mardi 23 février 2016

Ouverture - Noctifer

 
Ouverture
 
Je viendrai à vous les bras chargés de trésors
Des abîmes obscurs aux limbes de lumière.
Et avec de l’esprit la subtile matière,
Nous irons bâtissant, tel un jardin des sorts,
 
Le labyrinthe de notre quête idéale.
Et pour finir, frileusement nous descendrons
Par un chemin boisé parsemé de chardons
Vers les gouffres où toute beauté est fatale,
 
Ainsi qu’en un palais vaste et voluptueux.
Mais à présent, ô mon hôte, lecteur studieux,
Hésite un instant, s’il te plaît, à pénétrer
 
En ces lieux où parfois, au hasard de la route,
Le regard miroitant, tu pourrais rencontrer
Un spectre familier qui t’observe… , à l’écoute.
 
                                               Joël Gissy

 
Poème introductif de "Noctifer, Le porteur de nuit" :
 
 

dimanche 21 février 2016

Lectures

Apéritif poétique au Lazaret de Sète, août 2015.


Les Halieutiques de Delphes
 
Dans les couloirs d’un temple où les dauphins s’ébattent,
Qui donne sur la mer d’un bleu vésuvien
Pénétré par le ciel rose aux moiteurs timides
Qu’arrosent caverneux leurs rires qui éclatent,
Deux sirènes hybrides, montées du bassin,
S’enlaçant guident parmi ces canaux limpides
L’étranger que caresse un ballet chimérique.
Il s’abandonne au son de trompes et de conques,
Etranges, comme émanées d’invisibles jonques !
Et porté par ces flots en leur grotte aquatique,
Nageant tel un centaure, l’autre explorateur
Contemple des dieux philistins sous cette crique
Que balaie sa mémoire en un éveil trompeur.

                                            Joël Gissy
 
 
Au Domaine de Beaupré à Guebwiller
 
 
Conscience végétale
 
D’un lac souterrain où sommeillent des ondines
Forêt vivante obscurément dont les racines,
Démultiplication d’un fin réseau de nerf,
Mouvantes se souviennent, inversées dans l’air,
Temple secret qui, flots en rideaux, et colonnes
De stalactites se joignant aux stalagmites
Sous la voûte de cristaux et de fluorites,
Vers un soleil enfoui se déploient leurs neurones.
Cherchant son passage ainsi qu’un peuple de vers,
L’Arbre Yggdrasil croît vers le centre en tissus pâles,
Des troncs noueux qui s’enflent ainsi que des chairs
Enchevêtrées d’allées et venues animales.
 
***
 
Attendrissement
 
Je suis pareil à ces hippocampes d’Ilion,
Qui par milliers, amicaux, vont voir les plongeurs
Parmi l’espace scintillant des profondeurs,
Et meurent soudain à la première émotion !
 
Avant de remonter, triste nuée de corps,
Les petits équidés, mignons et pleins de grâce,
Font un ballet aquatique, et plus d’un embrasse
Du bout de sa trompe aimable, en ces beaux décors,
 
Le curieux qui les trouble, et l’aime et l’accompagne.
Alors, vers la lumière ondoyante il regagne,
Porté par l’écume oublieuse aux plages claires,
 
La vaste éternité dont à peine affleurait
Ces myriades de consciences élémentaires
Dont s’éteint en un souffle indistinct le secret.
 
                                        Joël Gissy
 
 

samedi 20 février 2016

Expressions contemporaines

Expressions contemporaines, duos d'artistes, exposition-lecture au Relais Culturel de Thann, 2007.


Les poèmes d'après les dessins :

 
L'Encéphalogramme, Marcel Helfer, grand format rotring.
Cliquez sur l'image pour agrandir.



Etude sur l’Encéphalogramme dessiné par Marcel Helfer
 
Entre deux autans ignoré, plastique Orpheus,
Le Grand Planificateur dessèche ses os.
Contraire à la perfection du juste Cosmos,
Il songe aux chercheurs d’antans qui sont revenus.
 
Eternel, il croit voir, cervelle au groin sans yeux,
L’espace planétaire où le chaos fait loi,
Comme un mauvais oiseau qui sort d’un arbre creux.
La Réflexion s’interroge à savoir pourquoi
 
Sa tête n’est pas inversée, or qu’il se meurt
Depuis si longtemps que jamais sa vie ne fut.
C’est une étrangeté curieuse où le docteur
Qui le prit, fixant trop son cliché, s’est perdu ;
 
L’analyste méticuleux regarde encor.
Voyons le contenu de ce crâne en détail :
Il doit appartenir à quelque alligator
D’une espèce inconnue. La cavité d’émail
 
Que son haut front protège au fil des millénaires ?
Semble un peu incurvée à l’endroit du cortex.
-Un animal spirituel !- Les visionnaires
Poursuivront l’examen. Comme enduits de latex
 
Suinté du tronc sont gravés les stigmates d’une
Civilisation, sur ce masque décati,
Dont plus tard découvrira, derrière une dune,
Quelque autre humanité le dédale enfoui.
 
***
 
Souvenirs de l’Encéphalogramme
 
Hybride épouvantable, antérieur aux Ages,
D’un molosse amoureux d’une goule simiesque,
Où s’allient étrangement les doubles visages
D’une hérédité reptilienne et grotesque.
 
***
 

Sur le Petit Rêveur de Marcel Helfer
 
Embryon de l’extase éclos sous les chaleurs
D’un astre double, enclos, notre esprit se souvient
Parfois, explorant le néant de ses torpeurs,
D’un univers béant et antédiluvien.
 
Parmi des flots vermeils de mirages trompeurs,
Il sent les cris muets d’un peuple qui a faim
Où Lilith en triomphe est portée par ses pleurs.
La foule hybride évolue, au large sans fin,
 
Et avance ainsi qu’un cauchemar de Darwin
Dans la nuit vampirique, or qu’au loin se détourne
L’ardeur des jours futurs, sphynge immolée d’un Djinn.
Cependant qu’en ce songe infernal il s’enfourne,
 
Sur l’écran de sa paupière au globe embrasé,
L’enfant devine un monde panique et lutin
Où nage l’illusion de la Perversité
Comme un cortège extatique et dionysien
 
Qui se confond dans l’onde évaporée d’archal
Semblable au réseau d’un tourbillon magmatique,
Symbolisme oublié d’un cycle sidéral,
Aux complexes éons de ce flux magnétique.

Joël Gissy
 

 
 
Le dessin d'après le poème :
 


L'anachorète et la Figue, Marcel Helfer, grand format rotring.
Cliquez sur l'image pour agrandir.


L’Anachorète et la Figue
 
Dans un château cathare, au fond d’une chapelle,
J’imagine, or que je traverse la garigue,
Un bonhomme à genoux, qui soudain m’interpelle
Et, debout en froc noir au versant, d’une figue,
 
A l’étranger offrant tout son bien et son aide,
Me tend le miel comme un remède à ma fatigue.
Puis sans me déranger, suivant la pente raide,
Me voyant mordre au suc vermeil avec intrigue,
 
Il m’emmène à son pieux logis d’un air pensif,
Et, soudain penchant son corps maigre et maladif
Devant la porte de vigne vierge et de lierre,
 
Marmonne d’un ton rauque ainsi qu’une crécelle :
« N’ai-je pas mal agi de baiser la matière
Et risqué le salut de mon âme immortelle ? »
 
Joël Gissy
 
 
Poèmes extraits du recueil Noctifer, Le porteur de nuit :
https://www.bod.fr/livre/joel-gissy/noctifer/9782322011339.html


Fantaisie nocturne


Fantaisie nocturne

Au moment de la nuit où la sylve a des yeux,
Or qu’à l’épuisement s’enrhument les babils
Des courlis ainsi que des sylphes silencieux,
Quand les saules pleureurs écument de leurs cils


La vase du marais qui s’endort et pétune
Un nuage estompé par le flambant reflet
Des feux follets mêlés aux rayons de la lune,
Mon souffle est prêt de s’éteindre et mon cœur se tait

Comme pour vibrer au chant des chouettes chevêches.
Alors, des constellations d’ondines revêches
Embrasent leurs auras de sinople éclatant

Dont la chandelle ubuesque expire en grésillant
Tel un prisme ardent à chaque fois que la brise
Tourne la feuille argent des aulnes qu’elle irise.

Joël Gissy
 

Illustrations d'Adèle Haller pour le poème Fantaisie nocturne.
 
Cliquez sur les images pour agrandir :
 
 


 
 
 
Poème extrait du recueil Noctifer, Le porteur de nuit :
https://www.bod.fr/l…/joel-gissy/noctifer/9782322011339.html
 
 

jeudi 18 février 2016

Désir et Musique

 
Désir et Musique
 
Les frissons du désir, enfants de la musique,
Submergent un esprit et s’enflent dans nos chairs
Comme un orage empli de spasmes électriques.
La vague énorme semble emporter par les airs
 
Le cœur que transporte son élan pathétique,
Soudain précipité en de lointains éthers.
Et dans un océan de rayons prismatiques,
Il s’ébat, quand frappé d’innombrables éclairs
 
Qui s’abattent sur lui, foudre accusateur,
Leur éclat le soustrait à cette apesanteur.
Alors, pareil à l’oiseau transpercé d’un trait,
 
Fracassé contre la berge en mille explosions,
Se débattant parmi d’affreuses convulsions,
Son battement se meurt ainsi qu’un menuet.
 
                                         Joël Gissy
 
 
Extrait du recueil Ouroboros :
 

lundi 15 février 2016

La Trompe


La Trompe
 
Quand le mage sylvestre, en sa corne d’auroch
Vrombit en infrabasse un chant immémorial,
Qui s’épand au feuillage et vibre par le roc,
Craquent les rhizomes du frêne primordial.
Le noisetier, d’écureuils, frissonne en l’azur.
Le sanglier lui sourit de son œil obscur,
Le chevreuil le contemple. Et même les abeilles
S’amassent, parfumées, embrassant ses oreilles.
Et les grives lui parlent d’antiques légendes
Dont les corbeaux familiers portent les offrandes.
Viennent à lui les musaraignes et les lièvres.
Les papillons de nuit se posent sur ses lèvres.

                                             Joël Gissy
 

dimanche 14 février 2016

Lupercales

Petit poème sur les origines de la Saint Valentin :
 
 
Lupercales
 
Au fond d'une grotte aux loups du Mont Palatin,
Le bouc est sacrifié comme un Faune. Impatientes,
Agitée par les bergers enduits de son sang,
Sa peau lacérée fouette à nu le sein blanc
De la foule en liesse à nouveau des passantes.
L'aveugle lit le billet de son Valentin.
 
                        Joël Gissy

mercredi 10 février 2016

Les Enseignes de l’Œuvre


Les Enseignes de l’Œuvre

De l'athanor livre en ses feuillets, décrypté,
Qu'âtres, maisons voilées de très anciens triomphes,
S'effondre la Tour-Dieu d'un château sans clef
Que garde de son Ankh la Maîtresse des gomphes.
Le pèlerin parcourt ses cartes, égaré.
Cœurs piqués au sang noir de vampires agomphes.

                                   Joël Gissy